Les BARGONE de Lauzon, exemple d'une réunification de famille au XIXe siècle

La réunification des famille en immigration est une réalité bien ancienne en immigration. Nous avons trouvé un exemple bien concret de ce phénomène à Lauzon, petite ville en banlieue de Québec, sur la rive sud du Saint-Laurent.

Ambrogio Bargone quitte l'île de Capraïa, île volcanique de l'archipel toscan, vers 1863. Il est déjà à Québec le 23 avril 1864 car il y signe un bail chez le notaire François Marcel Guay.

Ambrogio, alias Ambroise au Québec, épouse Henriette Gonthier à la paroisse St-Joseph de Lauzon le 2 février 1864. Il est clairement dit dans l'acte qu'il est originaire de Capraïa, île de l'Italie. Il est précisé que ses parents sont Etienne (Stefano en italien) et Emilie Minitelie. [Il n'y a équivoque sur l'identité de la mère pour l'instant.]

     Extrait du registre de la paroises St-Joseph-de-la-Pointe-Lévy de Lauzon, Québec.

 Le 7 novembre 1874,  Ambroise Bargone renonce à ses droits successifs et les cède à sa nièce Emilia Bargone, de l'Île de Capraïa. L'acte est passé devant le notaire Jean-Baptiste Hamel dans le quartier St-Sauveur de Québec. Ambroise précise qu'il s'agit de la succession de feus Stefano Bargon et Emilia Bargon, ses père et mère.

Page 1 de l'acte de transport de droits successifs.


Le 1er septembre suivant, Michel Bargone, son épouse Maria et leur fille Emilia, débarquent à Québec. Ils stipulent qu'ils résident à St-Joseph Pointe Lévis. Voici la liste de passagers du S Texas:


Emilia Bargone, fille de Michel et Maria Emilia Gallatini, épousera Thomas Bernier, fils de Thomas et Hildegarde Vien le 6 novembre 1877 à Lauzon.

Le recensement du Canada de 1881 nous montre la famille Bargone, bien établie et vivant soit dans la même maison ou étant voisin [c'est le cas d'Emilia].

Extrait du recensement 1881 du Canada, comté de Lévis.

Ce rameau de la famille Bargone a donc quitté définitivement l'île de Capraïa en Toscane pour s'établir à Lauzon au Québec. On trouve encore aujourd'hui au Québec des descendants portant ce patronyme, mais dans une version francisée, c'est à dire BARGONÉ.

Le secret est dans la signature!

Quelques migrants d'origine italienne arrivés au tournant du XXe siècle savaient signer. Quelle chance! Cette signature permet de corroborer l'information inscrite à l'acte par le curé. Mais dans certain cas, les deux informations diffèrent. Il faut alors se rendre à l'évidence: le curé est loin d'être fiable!

Voici 4 actes de mariage tirés des registres de Notre-Dame du Mont-Carmel pour l'année 1906 illustrant ces variantes orthographiques générées par le curé.


1. Mariage de Michele Galardo et Stella Carlo. Le curé a inscrit Calardo comme patronyme du marié.



2. Mariage de Domenico Chiocchia et Maria Felicia Pistilli. Le curé a indiqué Pastini comme patronyme de l'épouse.



3. J'aime beaucoup cet exemple. Il s'agit de l'acte de mariage de Francesco Tiberio et Maria Fonte. Il est indiqué Di Berri comme patronyme dans l'acte!



4. Celui-ci aussi est intéressant. Il s'agit du mariage de Gaspare Lapenna et Giuseppina Giannetti. Le curé a plutôt inscrit Ciarnetti comme patronyme de l'épouse.



Heureusement que ce genre d'erreur ne survient pas dans tous les actes. Il a tout de même été assez facile de trouver ces quatre exemples. Conseil: dans le doute, réfléchir! La solution est souvent dans l'acte. Il suffit de le lire ... jusqu'au bout!

Après la quête, le retour aux sources

Si vous êtes comme moi, le simple fait de retracer ses ancêtres et de documenter leur histoire ne suffit pas. L'accumulation de documents de preuve corrobore une hypothèse certes, mais ne comble en rien le vide identitaire laissé par les ruptures de transmission de l'histoire familiale dont les causes peuvent être multiples.

L'immigration est une de celle-là et la rupture est radicale dans ce cas. D'une part, il n'y a plus aucun membre de la famille pour raconter l'histoire familiale, et notre ancêtre migrant n'a aucune envie de la transmettre car il a fui cette histoire. Il ne souhaite que s'intégrer à son pays d'accueil, il y arrive souvent difficilement, et désire que ses enfants en fassent tout autant.

Une façon de combler ce vide, pour les descendants, est de retourner sur les traces de l'ancêtre dans le village d'origine, comme une sorte de pèlerinage. Ce village qui l'a vu naître et grandir, celui où il a appris son métier; celui qu'il a quitté pour un monde meilleur.

Des voyages sur la trace de mes ancêtres, j'en ai fait plusieurs: Lot-et-Garonne, Normandie, Toscane, Picardie, Ardèche, Charente-Maritime, Liège, Neuchâtel, etc.. Je suis la première à l'avoir fait dans ma famille. Des cousins ont ensuite également fait ce genre de voyage. De plus en plus de gens ressentent le besoin de le faire.

Dans trois mois, j'aurai terminé un cours en tourisme auprès d'un collège spécialisé en ce domaine. Mon travail consistera entre autre à créer des itinéraires de voyage. J'ai vécu des moments extraordinaires en retournant dans le pays de mes ancêtres. Je souhaite sincèrement donner la chance à d'autres de vivre de telles émotions, d'enfin boucler la boucle!